Agir pour le climat Bretagne appelle les collectivités à arrêter de chauffer salles de sports et d’exposition, à stopper les et éclairages inutiles voire nuisibles, dans la perspective de l’action contre la guerre de Poutine.
Agir pour le climat de Lille soutient cette proposition, mais nous tenons à apporter des précisions importantes à notre soutien, exprimées ci-après.
La guerre en Ukraine constitue une conséquence de nos modes de vie qui est plus immédiate et plus tangible que la rupture climatique, la dévitalisation de la planète et la pollution des milieux. Comme l’exprime brutalement Bruno Villalba dans Le Monde daté du 18 mars, nous comprenons que « notre mode de vie contribue à financer les bombes qui pleuvent sur les Ukrainiens ».
- Bruno Villalba, « La sobriété est un enjeu de justice et de solidarité ». Le Monde, 18 mars 2022, 29.
Mais cette conception de l’environnement comme miroir de nos turpitudes est encore insuffisante : elle n’indique pas ce que nous pouvons faire concrètement pour préserver les capacités de résilience et de vie digne des êtres vivants, humains et non-humains, dont nous dépendons. Entre le mode de vie porté par notre civilisation thermo-industrielle, inducteur de souffrances indicibles, et le pouvoir de vivre (pas seulement d’achat) des citoyens les plus modestes, s’interpose la question plus urgente et plus massive encore des disparités des conditions d’existence et du pouvoir laissé aux riches et aux puissants de mettre notre planète à sac. En d’autres termes : comment oser demander des « efforts » aux 67 millions de citoyens ordinaires en acceptant que l’empreinte carbone des 63 milliardaires que compte le pays représente autant que les rejets de CO2 du patrimoine financier de 50% des ménages français ? Comme l’exprimait brutalement Oxfam en janvier, « les inégalités tuent ». De ce point de vue, la résistance que nous pouvons opposer aux agissements de Poutine, de sa clique et de ses mercenaires (dont il est presque indécent d’évoquer l’empreinte carbone alors qu’ils massacrent délibérément et aveuglément une population civile sans défense) ne constitue qu’un miroir grossissant des confrontations qui nous attendent, de notre foyer à notre milieu professionnel, à l’échelle de notre quartier, des civilisations et de la planète.
Non au pétrole et au gaz de Poutine, c’est davantage de sobriété énergétique volontaire pour le plus grand nombre, mais il est impératif que cette sobriété énergétique soit également imposée aux quelques riches sécessionnistes qui ne réduiront pas volontairement leur ivresse de puissance alors que leur comportement ruine la possibilité d’une volonté commune dans ce domaine. Les riches et les puissants doivent entrer dans le rang. Faute de leur imposer quoi que ce soit, à eux qui disposent de la plus grande marge de manœuvre, les pouvoirs publics n’engagent finalement à aucun effort substantiel de sobriété, et cette inconséquence prépare les conflits à venir, au fur et à mesure que les impacts mis en évidence par le Giec se concrétisent.
La guerre de Poutine est l’occasion de réexaminer avec un sentiment d’urgence renouvelé les propositions telles que la limitation de la vitesse sur autoroute à 110km/h, portée par la Convention citoyenne pour le climat, ce qui réduirait la consommation de carburant de 5 à 10% (et aurait le co-bénéfice de réduire la mortalité routière). Ou encore l’extinction des éclairages publics lorsque la sécurité publique le permet (quitte à doter les personnes sans téléphone de lampes de poche rechargeables).
Sur le plus long terme, les limites de la planète ruinent toujours davantage la promesse de vie digne fondée sur la transformation d’un environnement pensé comme lointain en déserts, cendres et résidus. Le temps des colonies est terminé : il n’y a plus d’ailleurs à désertifier pour assurer notre prospérité. C’est une bonne nouvelle, car dès lors la promesse ne peut prendre, comme le propose Bruno Villalba, que le chemin de la « péréquation à établir pour accéder à un bien-être équitablement partagé », en sollicitant et en espérant le pardon des offensés et des victimes. Le mythe de l’abondance est derrière nous. C’est une bonne nouvelle, car nous pouvons retrouver désormais un horizon commun de sobriété dans un espace démocratique. « Organiser démocratiquement la sobriété dans un monde fini, c’est négocier collectivement ce qui est nécessaire pour que chacun ait accès à des conditions de vie décentes et définir ensemble des priorités : va-t-on utiliser l’énergie [ou la ressource] dont nous disposons pour satisfaire le confort de quelques-uns – c’est le cas de la vitesse automobile, par exemple – ou pour ce qui relève du commun ? » Si nous demeurons vigilants au retour de flamme de quelques nostalgiques de l’Empire, nous pouvons espérer que la sobriété partagée « nous ouvre la barrière ».